« Juley ! Juley ! » C’est ainsi que les Ladakhis accueillent les visiteurs avec le sourire. Cette vaste région de culture bouddhiste, avec ses hauts paysages secs et désolés, constitue une extension du Tibet, tant d’un point de vue géographique que culturel.
Langues et religions
Le Ladakhi est une forme traditionnelle de Tibétain. La seconde langue la plus usitée est l’Ourdou (proche du Hindi), parlée par les musulmans. La communauté religieuse la plus importante est celle des bouddhistes.
Société ladakhie
La culture ladakhie traditionnelle est caractérisée par une grande sérénité. Les Ladakhis opposent à la rudesse, aux difficultés de la vie quotidienne, un courage et une ténacité, une bonne humeur qui d’emblée les rendent sympathiques. Les Ladakhis sont en majorité des sédentaires. Paysans et artisans, ils vivent dans les oasis, le long des torrents qui descendent des glaciers et irriguent leurs champs d’orge, de luzerne et de blé. Ils construisent des maisons de brique de boue crue, martèlent des bols de métal, filent et tissent des robes de laine. S’ils ont délaissé la vie pastorale à temps plein, ils restent des nomades dans l’âme, et n’hésitent pas à parcourir des distances considérables pour assister aux fêtes données dans les monastères ou pour commercer pendant quelques mois par an.
Les nomades ou champas, bergers et caravaniers, parcourent les steppes des hauts plateaux à la recherche de pâturages pour leurs troupeaux (yaks, moutons et chèvres) ou pour commercer. Ils sont les seuls habitants du Rupshu. Ces errants du Ladakh ne possèdent rien ou presque rien, hormis leurs troupeaux et tirent le plus clair de leur revenu de la laine. Dans les basses vallées, ils vont chercher des céréales, des étoffes, des épices ou encore du sucre. En échange, ils apportent le sel qu’ils ramassent au bord des lacs salés, mais aussi le beurre, et surtout la laine de leurs bêtes. Le duvet récolté entre les longs poils de chèvre, appelé pashmina, est descendu jusque dans la vallée du Cachemire, où il est admirablement tissé et vendu très cher en Occident. Les habitants de ces hautes terres n’ont pas la vie facile : le travail est dur et intense pendant les quatre mois d’été et l’hiver est rude et long.
Comme l’ensemble des sociétés tibétaines, la société ladakhie est quadripartite, c’est-à-dire composée de quatre strates sociales :
- strate royale
- strate aristocratique
- strate des « gens ordinaires », l’essentiel de la population, composée d’agriculteurs, éleveurs, artisans et spécialistes religieux laïques : astrologues, médiums, médecins guérisseurs
- strate des forgerons et des musiciens
Ces strates pratiquent l’endogamie (le fait de se marier au sein de sa strate) et de nombreux interdits concernent la strate la plus basse dans la hiérarchie, relatifs à la nourriture, aux relations sexuelles ou au lieu de résidence. La polyandrie (mariage d’une femme avec plusieurs frères), méthode traditionnelle de mariage dans tout le monde tibétain, de façon à ne pas diviser les terres familiales, est de moins en moins pratiquée. Concernant la communauté monastique, le critère de hiérarchie n’est pas fondé sur l’hérédité, c’est-à-dire selon le système des strates sociales, mais sur le « mérite ». Les moines dépendent des monastères au sein desquels ils ont reçu leur éducation religieuse, pris leurs vœux et été ordonnés. Malgré la prééminence du moine sur le plan religieux, il n’est pas le seul spécialiste à exercer : les villages ladakhis comptent parmi la population laïque des astrologues, des médecins guérisseurs (Amchi) et des médiums.
Le Bouddhisme au Ladakh : le Lamaïsme
Le Bouddhisme fut introduit au Ladakh via le Cachemire au début de l’ère chrétienne mais n’atteignit que l’élite et il fallut attendre le 10e siècle pour que le bouddhisme tibétain, le lamaïsme, connaisse un grand essor et soit largement diffusé dans toutes les couches de la société grâce à l’appui des souverains locaux.
Depuis, le lamaïsme, terme soulignant le rôle éminent joué par le maître spirituel, le lama, y est fermement établi avec de nombreux monastères et une population d’environ 2000 membres aujourd’hui (3,5% de la population bouddhiste).
L’église lamaïque, élément essentiel de la société ladakhie, entretient des liens étroits avec la communauté des laïcs, qui lui sert de base de recrutement et lui assure un soutien matériel (donations). L’originalité du lamaïsme tient surtout en l’appropriation des croyances et des pratiques magiques ancestrales du monde tibétain. De nombreux éléments de rites et de la symbolique bön (la religion ancestrale du Tibet) ont été assimilés dans le lamaïsme, ce qui explique la masse de déités aux allures féroces, à l’origine des démons de la religion bön, qui sont propres au panthéon tibétain.
Monastères
Le Lamaïsme comprend quatre grandes écoles : Kagyupa, Sakyapa, Nyingmapa (Bonnets Rouges), et Gelukpa (Bonnets Jaunes). Au Ladakh, la plupart des monastères appartiennent aux ordres Nyingmapa et Gelukpa (dirigé par le Dalaï Lama). Il n’existe aucun esprit de compétition ni d’antagonismes entre ces ordres. Les monastères sont désignés sous le nom de « gompa ». Souvent bâti au voisinage d’un village, seule sa position en hauteur marque la distance qui le sépare du monde des villageois avec lequel il entretient des relations étroites et quotidiennes.
Tous les grands monastères comprennent un Dhukhang (salle d’assemblées), un Lhakhang, « Maison des Dieux », chapelle réservée à la divinité principale, et des cellules d’habitation. Le Dhukhang est la pièce la plus vaste, équipée de coussins et de tables basses ou les moines s’installent pendant les prières et les cérémonies. Dans les petits monastères, une seule pièce peut servir de salle de réunion et de chapelle. La plupart du temps, il y a à l’entrée une iconographie représentant la Roue de la Vie et à l’intérieur une statue du Bouddha est entourée de disciples ou de gardiens. Moines et fidèles s’y réunissent à l’occasion des grandes fêtes du calendrier lamaïque.